

L’élixir d’amour
Eric-Emmanuel Schmitt
Albin Michel, 2014, 162 p., 15 €
A vue D’Œil, 2015, 170 p., 15,50 €
Auteur :
Éric-Emmanuel Schmitt, né le 28 mars 1960 à Sainte-Foy-lès-Lyon
(Rhône), est un dramaturge, nouvelliste, romancier et réalisateur, traduit en
45 langues et joué dans plus de 50 pays.
4e de
couv. :
« L’amour relève-t-il d’un
processus chimique ou d’un miracle spirituel ? Existe-t-il un moyen
infaillible pour déclencher la passion, comme l’élixir qui jadis unit Tristan
et Yseult ? Est-on, au contraire, totalement libre d’aimer ? »
Anciens
amants, Adam et Louise vivent désormais à des milliers de kilomètres l’un de
l’autre, lui à Paris, elle à Montréal. Par lettres, tout en évoquant les
blessures du passé et en s’avouant leurs nouvelles aventures, ils se lancent un
défi : provoquer l’amour. Mais ce jeu ne cache-t-il pas un
piège ?
Observateur
pertinent des caprices du cœur, Eric-Emmanuel Schmitt explore le mystère des
attirances et des sentiments.
Ma chronique :
Eric-Emmanuel
Schmitt est un auteur qui
aime explorer les relations amoureuses, les passions, les conflits et les ruptures. Ces personnages
sont souvent de milieux aisés vivant dans de grandes villes. Ici nous avons
Paris et Montréal.
C' est un dramaturge et on sent dans ses romans un côté dialogué. Les
décors ne sont pas détaillés. Il utilise des lieux que le lecteur peut imaginer
par lui-même. Dans « l’élixir de l’amour » nous avons pour Louise un
appartement à Montréal, un chalet est évoqué, un cabinet d’avocat. Pour Adam un
appartement parisien, un cabinet de psychanalyste, un restaurant, l’opéra est évoqué.
Les lieux sont assez stéréotypés. E qui compte c’est la parole, les sentiments,
les sensations.
Au début, il
plante le décor à Paris au mois d’octobre. Il reste des traces de l’été, comme
il reste des traces de cette passion terminée… plus tard quand l’un des personnages
souffrira, paris changera d’aura, comme si la ville était en osmose avec les
émotions.
Citations :
« Devant
moi, un soleil flétri se lève et contemple paris auquel octobre donne la pâleur
d’une bête indisposée, tourmentée par les feuilles mortes tapageuses, avide de
paix qui tarde. Vivement l’hiver. La langueur de l’était s’efface et la
capitale s’impatiente d’obtenir le froid, le sec, le clair. Deux saisons
suffisent à une ville, la suffocante et la glaciale. » (pp. 5-6)
« Dans
ma chambre, à cette heure exempte de lumière, je regarde au-dehors les murs
grisâtres et les ardoises disjointes que parcourent les pigeons crasseux
sautillant d’une cheminée délabrée à une antenne de guingois. Paris me dégoûte.
Quelle ville prétentieuse ! Elle se voit belle cette souillon arrogante
qui arbore des airs de princesse, alors qu’elle pue, qu’elle pourrit, qu’elle
sombre. Et moi, vaniteux, qui tiens à rester « parisien », comme si
je détenais un titre de noblesse, comme si une telle somme d’emmerdements
m’élevait au-dessus des mortels. Chimère…
Mon
appartement me révulse. Tout est morne, aligné, dépourvu de brillance ou
d’aspérité. La fadeur règne. Il ne me paraît vaste que parce qu’il
coûte cher.
Ah oui, c’est spacieux, vingt-cinq ans de crédit !
Me revoilà
retombé sur terre, ça fait mal au cul : paris est laid et le bonheur
impraticable. » (p. 157).
D’autres
évocations dans le roman notamment autour de paris la nuit, l’opéra, les rues
livrées aux fêtards.
Dans ces
lettres qui sont en fait des « courriels sans dates » on va
directement aux questionnements. Cette version moderne de la correspondance
permet d’avoir des échanges plus rapides (pas de lettres à poster) sans
fioritures, ni formules de politesse, cela va d’une seule phrase à plusieurs pages (rarement). Dans ce
type de messagerie le temps est accéléré, la lecture est plus dynamique. Mais
parfois la réponse se fait attendre, le correspondant s’inquiète, s’interroge,
relance, un jeu s’instaure alors entre eux. il arrive à faire varier l'intensité des échanges et créer un suspens.
Ils n’ont
plus les mêmes envies ni les mêmes attentes. On va avoir une vision féminine et
masculine de la sexualité et de l’amour, de la rupture, mais cela ne sera pas
valable tout au long de l’histoire, je vous laisse découvrir la chute des
certitudes. On retrouve les rapports de force masculin-féminin.
Comment
passer d’ex-amants à amis, chacun va faire un cheminement différent. Leur vie
va suivre leur cours vont entrer dans le jeu en filigrane leurs nouveaux
partenaires respectifs.
La distance
que crée la parole écrite vient se rajouter à la distance physique
(paris-Montréal) et affective. Ils s’éloignent de leur relation première vers
autre chose. L’écriture permet de se cacher, de manipuler les informations et
les sensations.
Les cinq
sens :
La
vue et l’ouïe : L’absence physique. Pas de photos, ni de vidéo, ni de
téléphone. On est dans l’évocation, la suggestion, les souvenirs.
Le
toucher : Dans ce roman il est questions aussi d’épiderme. Plus de
relation sexuelle signifie plus de contact physique. Sans parler de la
distance.
L’odorat :
Un parfum est là pour garder un lien. « Cuir de Russie » de Chanel un
parfum qui n’est ni féminin ni masculin va faire le lien. (voir Cuir de Russie). A nouveau le parfum vient jouer
un rôle évocateur.
Le goût est
aussi dans l’évocation.
Ce que
j’aime dans les dialogues de Eric-Emmanuel Schmitt (que l’on soit ou non
d’accord avec ce qu’il dit) c’est qu’on a l’impression d’une escalade, on
franchit des étapes.
On retrouve
aussi des thème chers à E-E Schmitt : Le suicide comme réponse à l’arrêt
de la souffrance, mais aussi le déclencheur qui va redonner goût à la vie.
La musique,
l’opéra : «L’élexir d’amour » de Donizetti, « Tristan et Isolde » de
Wagner
Alors
existe-t-il ce fameux élixir d’amour ? je vous laisse découvrir.